mon Tel-Aviv

September 4th, 2011

Possessif présompteux, ainsi le désir de s’approprier la ville qui m’a tant manqué… J’ai relativement peu de photos de Tel Aviv-même pendant la période où nous y avons habité, peut-être par volonté d’assoir le quotidien dans une normalité qui ne provoque que des prises de vues inhabituelles - ne pas amalgamer expatriation et tourisme -, peut-être aussi parce qu’à l’époque nous ne mitraillions pas encore en numérique.
Donc premier retour après dix ans, à un mois près. Dans le taxi de nuit qui nous conduit de l’aéroport à l’appartement prêté, l’impression la plus prégnante est celle de rentrer à la maison, alors même que nous avions décidé des années plus tôt, rationnellement, que ça ne pourrait jamais vraiment devenir acquis et qu’il était temps d’en partir. (à présent, d’une vie confortable installée dans un pays où nous avons toute légitimité à résider et résister, j’en viens à repenser la permanence, bien-sûr…)

Ma ville donc à nouveau pour quelques jours, la montrer à mes enfants, ville pas forcément facile à aimer, trop chaud, trop de bruit, trop de monde…. revenir au mois d’août que je voulais justment éviter ( voir August du grand Avi Mograbi), et puis, concurrence de hasards et d’envies, dix ans plus tard, dix ans plus vieux, devenus parents, nous y voilà. Chaleur ultra humide, bruit infernal des bus et des klaxons à tout va, ronron des boites d’air conditionné posées en verrues sur les façades des immeubles, de même les bidons des chauffes-eau solaires sur les toits, la ville la plus bauhaus du monde dit-on… plus décrépie qu’elle n’était mais en chemin vers la rénovation, encore timide, quelques tours nouvelles aussi, ville plus décrépie et plus en construction… de la vie, du mouvement, du désordre, du balagan partout (le désordre efficient des villes asiatiques), et aussi la plage, plage urbaine bondée. J’aime le fait d’être si peu habillés et de toutes façons terminer quasi nus sur la plage, finalement ça nivelle les corps, pas de prétention puisque rien n’est caché ou presque, c’est libératoire ! La modestie par la nudité, plutôt habiter son corps avec quelque chose comme une conscience non faussée de celui-ci, tandis qu’ils sont si nombreux à être ridiculement beaux.
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s90_img_3540_222.JPG Alors j’ai voulu la prendre en photo la ville, je voulais toutes ses coutures, de jour, de nuit puisqu’elle tombe tôt et soudainement et qu’en famille nous y avons effectué des “safaris nocturnes de chats”, mais ce n’est pas facile, trop de choses sur chaque vue, alors au hasard, des clichés d’une promenade d’insomnie matinale, une ville anormalement vide :
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L’herbe est moins verte, mais voilà l’air y est plus vivant (et qu’on ne se méprenne pas, ce n’est certainement pas à cause de la situation politique du pays, mais, avec certitude, en dépit de celle-ci). Et ça… je n’ai pas encore trouvé comment m’en remettre.

Ha, une dernière chose. Je me souviens, les premières fois où j’étais allée en Israël, j’avais été choquée de voir autant d’armes, les jeunes en service ont garde de leur mitraillette, et ne doivent pas s’en départir, y compris en week-end, habillés en civil. Cela m’a paru beaucoup moins lourd, aussi parce que je sais que l’armée, forcément totalement intégrée à la vie quotidienne est par bien des aspects beaucoup moins haïssable que prévu, et parce que ce qui me choque et me mine, à présent, petite campagnarde, et ce qui choque mes amies israëliennes de passage, c’est la présence policière, en grappes sombres et désormais systématiques, dans les villes françaises.

vivre nus et boire du jus de grenades

August 16th, 2011

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en attendant des nouvelles plus élaborées du pays du hoummous, je recopie l’info attendue avec tant d’anxiété sur Chaudefess 2011 et qui a semblé égarer (because ça) un certain nombre de visiteurs sur ce site (moins cela dit que ceux qui viennent voir la photo de Christian Bale dans American Psycho que j’avais mise ici. Ça doit être la seule de ce blog dont je ne détienne pas les droits, elle génère 90% du traffic, de toutes façons, j’adore parler dans le vide). ( et on va rater Chaudefess cette année)

Salut à tous,
A l’heure où les bourses s’effondrent, où la consommation des ménages s’enfonce dans un marasme sans fond,où la terre semble vaciller inexorablement sous vos pieds, où politiques, économistes, hommes d’affaires, extra-terrestres et divinités de tous poils s’affrontent dans une lutte sans merci pour le pouvoir, alors que l’apocalypse se rapproche à grandes enjambées, une question vous taraude: “Putain merde y a pas de Chaudefess cette année? Qu’est-ce qu’ils branlent?”
Vous avez sans doute raison de vous inquiéter des vrais problèmes. Alors voila, camarades, nous sommes là pour lever le voile définitivement sur ce doute qui vous tiraille.

Oui bien sûr y en a un, et c’est comme tous les ans le dernier week-end du mois d’août, donc les vendredi 26 et samedi 27 août. Ca a lieu cette année encore au Studio Chaudelande, dans les jardins, avec tout le savoir faire, le bon goût et la sobriété qui caractérisent ce désormais légendaire festival.

On y trouvera en vrac un endroit pour planter sa voiture et garer sa tente, des gens sympas qui vous échangeront des breuvages voluptueux et des mets rafinnés en échange de ticus, et bien sûr une ribambelle de chouettes groupes qui font du rock, de la pop, du zouk, du yéyé core, de la noise, de l’electropopotin, du punk, du psyché cirage, de la cold wave dansante…

Les concerts débuteront vendredi soir vers 21h; le samedi sera synonyme d’après-midi champêtre où vous pourrez exercer vos talents à la pêche, au ping pong, à la sieste ou au caps, vos oreilles bercées par de douces mélodies, avant de remettre le couvert pour une deuxième soirée torride.
Les groupes, les voici, dans le désordre pour le moment: La Terre Tremble, 4t(REC)k, The Dreams, Exhaustion, Marylin Rambo, Minh[May],Delacave, Hâche Tendre, Le Chômage, Moteor Sharqui, TG Gondard, La Race, Anton Chigurh, Gouffre d’un pôle à l’autre,les Blousons et bien entendu l’inénarrable DJ Tony Pizza.
Tout ça c’est prix libre évidemment.
Le site du studio étant HS, pour d’éventuelles questions voire même des réponses, c’est à cette adresse mail que ça se passe: studiochaudelande@hotmail.fr

gestion mentale / Moebius à Cherbourg / Tai Chi Chuan on the beach

August 7th, 2011

M’intéressant pour un certain nombre de raisons évidentes aux profils pédagogiques, et ne sachant pas par quel livre de Antoine de la Garanderie débuter, j’ai finalement commencé par “la Gestion Mentale” de Catherine Maillard, gestion étant à entendre au sens de geste. Nous parlons ici de “pédagogie des actes de connaissance”, “L’étude des moyens mentaux qu’un sujet peut mettre en oeuvre pour apprendre, mémoriser, comprendre, réflechir, imaginer…”.
Elle propose d’étendre les profils pédagogiques (auditif - visuel - kinesthétique visuel - kinesthetique auditif) à l’idée de profils émotionnels et relationnels, se basant en partie sur des données neurologiques ( imbrication des cerveaux reptilien -automatismes et instincts, peurs/colères - limbique : réponses émotionnelles controlées : tristesse/joie, néocortex : élaboration de la pensée // modèle ultra-simpliste, tout ceci étant nettement moins vertical ) et des modèles de positions de vie hérités de l’analyse transactionnelle.
taichi200.JPGC’est bien là que pour une fois je ne suis pas partie en courant, voire je suis ébahie de la pertinence de mes débuts dans l’application de ces modèles à mon propre cas ; elle propose en effet une introspection dédiée à repérer les habitudes émotionnelles et mentales à éventuellement rééquilibrer pour mieux fonctionner, ne serait-ce du point de vue de l’apprentissage, mais le spectre semble en effet total, tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’obtenir des profils pédagogiques et non psychologiques.

Et vantons-nous, le tai chi sur la plage, c’est un grand bonheur.

Superbe expo Moebius à Cherbourg.
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(clic pour voir en grand)

Continuum à bascule

July 21st, 2011

Antez (Continuum) - Nush Werchowska, le 07/07 à la Bascule . (annoncé là)
Une foule de mots m’étaient venus, ils étaient si dramatiques que je n’ai pas osé les mettre en phrases.
- silhouette déguingandée - déroule le fil - héros tragique de sa création - condamné à alimenter les flux sonores - textures élémentaires en résonnances - à suivre et façonner simultanément - …
C’était à la fois touchant et envoutant à regarder, très beau à écouter.
Solo puis duo avec Nush Werchowska, parfaitement complémentaire, l’un utilisant son tambour en générateur de signal continu, l’autre au synthé percussif.
www.antez.org - Nush Werchowska
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l’Agrippa #3

June 28th, 2011

(Annoncé ici)
Accompagnés des petits barbares, pour une partie de la seconde journée, quelle combinaison inespérée de contentement musical, de baignades, pedalo et crépuscule doux interminable.
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Quelques vues :
De bien bruyants jeunes gens :
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d’autres dispositifs tout à fait sonores :
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bon eux, ça doit être regreb et ogrob :
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(Guess who wants a plasma ball for Xmas ?)

[ l’autre café à Saint Laurent de Terregatte, bout du bout de la Manche, vers le bas ; aagrippaa.blogspot.com ]

Désormais, les grandes vacances -beau concept- commencent avec l’Agrippa et se terminent à Chaudefess’. Et ouais.

Si quelqu’ [improbable mais] érudit visiteur pouvait m’aider à nommer les musiciens, voilà qui parachèverait délicieusement ma satisfaction.

clic toutes les photos pour voir en grand - elles sont de jd ou de moi.

oui le Leviathan d’Anish Kapoor pour la Monumenta est exceptionnel

June 20th, 2011

C’est peut-être le deux cent millième article de blog sur le sujet, mais l’enchantement a été tel qu’il doit être écrit ici.
Je ne sais pas quand au juste dans les vingt dernières années, l’exposition aaâârrrtistique est devenue ce produit de consommation de masse totalement intégré à la société du spectacle, toujours est-il qu’au terme d’une queue double (extérieur puis intérieur), nous avons tous été, petits et grands, réellement émerveillés de/dans l’oeuvre d’Anish Kapoor, crée pour la Monumenta au Grand Palais.

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Enfin pénétrer dedans. La sensation de bien-être est immédiate : avec surprise aussi euphorisante qu’apaisante, chaleur et lumière douces, Kapoor a dit aimer ce rouge pour son potentiel de noir. Et mon Wisigoth -le plus jeune de mes petits barbares- me fait remarquer qu’on voit tout bleu si on clignote des yeux. Les bruits semblent étouffés mais rebondissent d’echo, d’ailleurs frappe dans tes mains, bientôt les claps se diffusent de groupes en groupes pour terminer en applaudissement général spontanné. L’ombre des verrières du Grand Palais offre une infinité de lignes de fuites à celles des assemblages de la structure elle-même ; nous sommes dans une enceinte protégée, pleins de la liberté initiée visuellement par ces chemins, innondés d’une lumière si douce et enveloppante, je n’imagine pas d’expérience plus utérine (et force est de contaster, donc, que c’est instantannément bon).

kapoor1_250.jpgTout emplis de ces sensations, nous avons ensuite passé un long moment à profiter de l’espace autour, coller l’oreille contre le Leviathan et en sentir la sourde vibration, appréhender du dehors ce que nous avions ressenti dedans, juste flaner en profitant de l’endroit dans la compagnie bienveillante de ces choses gigantesques. Je m’en rends compte encore plus en l’écrivant, à quel point il s’est agit d’un grand moment d’intégration sensorielle, kinesthétique, et que cela soit mêlé à une véritable exigence artistique, me semble extrèmement précieux.

Il y prit place aussi une performance de Keiji Haino ainsi que de Charlemagne Palestine !
Damned ! (ai-je juste un minimum les boules de voir tout cela devenu du dernier chic parisien ? génération dominante qu’elle disait…)

hagad’ la téhéviion

June 7th, 2011

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חבל על הזמן

May 20th, 2011

au moment même où je me dis qu’il m’aura fallu quasiment dix ans pour m’en remettre, crise aigue de nostalgie.
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(clic pour voir en grand)

חבל על הזמן

Un monde de signaux désirants (et moi)

May 9th, 2011

[ Bon j’ai donc un fil ouvert pour moi sur alter1fo : http://alter1fo.com/author/cb - je ne pensais pas être capable d’écrire de vrais compte-rendus de concert, mais si je ne le fais pas pour Lionel Palun & Jérome Noetinger, je ne le ferai pour personne… alors c’est certainement un peu outrancier, j’ai bien consciencieusement casé presque tous mes mots-clefs, bullshit mais sincère — je reprends quand même mon texte par ici ]

Étendre les territoires du réel, voilà une des vocations évidentes des arts expérimentaux et c’est une très belle (dé)monstration de nouveaux possibles qu’ont livrée Lionel Palun (www.lionelpalun.com) et Jérome Noetinger (metamkine.free.fr) dimanche en fin d’après-midi, à la Chapelle du Conservatoire. Mais il ne fut pas question de seulement montrer. Sculpteurs de formes, vidéos, sonores, ils savent créer un univers ; c’est un monde entier de signaux désirants qui s’anime.


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Lionel Palun, d’un coté de la scène, monitore la vidéo, Jérome Noetinger de l’autre s’occupe globalement du son, mais « Deux projections superposées, l’une créée par le son, l’autre alimentée par un feedback vidéo de la précédente. Le son génère de l’image. L’image génère du son. Le téléviseur est amplificateur, la caméra devient micro, le synthétiseur est source de lumières, les micros la colorent et la table de mixage brouille le tout. Et c’est un signal électrique commun qui est le matériel du duo. Une expérience distendue de sons dénaturés et de couleurs craquées. » et la fusion des flux d’images est donc rétroprojetée sur grand écran en arrière-scène.

Bientôt les gestes d’improvisations se lient aux interférences électriques, les capteurs émettent et vice-versa, il ne reste qu’une globalité abstraite toujours plus tangible, sensorielle peut-être sensuelle, devant les yeux et partout dans l’air. Et ainsi, dans une synesthésie complète, la spirale de feedbacks monte un nouvel agencement du temps et de l’espace, l’émergence d’un monde, issu de la performance mais devenu quasi-autonome, une nouvelle cohérence.
Je connais peu de choses plus stimulantes que d’assister à ce genre d’évènement.

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quelques vidéos à voir par là : www.lionelpalun.com/supercolor/

cool boolean joyful disjunktion

April 19th, 2011

rien à voir avec rien.
ramené juste en image il va bientôt y avoir 10 ans :
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(je m’en suis même fait un t-shirt)

et uncut session du désespoir de cause et du manque de pratique :

soundcloud.com/cbjd/

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Pisser des glaçons. ( propositions d’oeuvres pour exposition d’arts numériques )

April 9th, 2011

Alors il y aurait un écran tiré sur tout un mur, et on projetterait dessus des choses, peu importe. Ce serait l’unique source lumineuse dans une pièce plutôt grande, dont les autres murs seraient couverts de noir. On poserait, de manière à ce qu’ils soient assez visibles, divers “dispositifs interactifs”, à moduler en fonction du public attendu : de la simple caméra dirigée vers la salle à tout ce qui est capable d’évoquer un capteur quelconque.
Et surtout on ne filmerait pas les gens en train de sautiller dans tous les sens, armés des dispositifs en question, à guetter la réaction sur l’écran.

Pour le vernissage, on pourrait lancer une rumeur mystérieuse comme quoi on pourrait voir la performance d’un mec qui sue du vert. Et après le champ’ et les petits fours, on commencerait à faire monter la sauce, on demanderait qu’on éteigne les portables “pour ne pas le déranger afin qu’il puisse mieux nous déranger” (oui on oserait vraiment dire un truc pareil). Et les gens seraient installés là autour de l’aquarium, un musicien tendance expé soft rendrait ça moins chiant, plus angoissant, on peut penser à poser un renard empaillé à ses cotés. Le type à poil dans son aquarium sur son fauteuil epoxy-pas-de-triche finirait par avoir vraiment chaud. Et le public aussi. Et rien ne se passerait. Rien.
Et on ne filmerait surtout pas les gens en train de se demander si vraiment on a cru qu’ils seraient assez voyeuristes pour observer un mec presque à poil dans une cage de verre et attendre qu’il se mette à suer du vert, et assez cons pour se dire que c’était de l’art.

Je sais, je suis super pisse-froid, surtout qu’il a vraiment sué du bleu et que certaines choses n’étaient pas si mal. En fait je sais même que si je prenais l’envie et le temps de vraiment m’interesser aux notes d’intention, je trouverais les 2/3 de tout cela tout à fait admirable (à commencer par la performance citée).

Désanchantée.

Je ne sais pas, peut-être d’avoir vu, il y a quelques semaines, dans une école d’art deux Elizas discuter ensemble accrochées au mur. J’adorais Eliza -il y a 20 ans- (mais toutes nos conversations me menaient à la même impasse, quand elle en venait à cette agonisante question : Since when do you believe you are a woman?) D’ailleurs, un écrivain aussi avant-gardiste que David Lodge l’avait utilisée dans Small Worlds (1984).
Ou peut-être de m’être fait doctement expliquer comment le Glitch, oh my god si novateur et bousculant, pouvait me faire du papier peint. En rentrant j’avais eu envie de réécouter Oval. Mais je me suis dit que ça me déprimerait encore plus.

Réflection faite, on peut même se passer de l’écran.

mythe néorural #0

March 28th, 2011

s90_img_2510_250.JPGoui je sais c’est dégoutant.
Dans Drowning By Numbers de Peter Greenaway, il y a ce jeu que le jeune garçon décrit : il s’agit de compter le nombre d’animaux morts sur les routes en fonction du jour de la semaine, c’est “The Great Death Game”. En m’installant à la campagne, j’imaginais que je pourrais moi aussi m’y adonner, hé bien non, en fait, pas tant que ça. Mais j’ai quand même appris que le renard n’était pas qu’un animal de fable.

Sans Greenaway je n’aurais (peut-être) jamais écouté Nyman ou Mertens, et sans eux, je n’aurais jamais découvert plein d’autres trucs bien. En attendant, je n’ose pas revoir les Greenaway que j’ai tant adulés (favoris de l’ancien temps : Zoo) (de peur de me trouver rétrospectivement insupportable).

Eli, Eli, Lema Sabachthani ?

March 20th, 2011

“Mon dieu, mon dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?” présenté à Cannes en 2005, à ma connaissance jamais sorti en salles en France.
elieli.jpegUn film japonais avec un titre en hébreu qui parle de la musique expérimentale comme seul remède à la tentation suicidaire ? de quoi réactiver le fantasme du jumeau caché, et le mien s’appellerait Shinji Aoyama.

En 2015, un virus se propage sur la planète, provoquant, sous le nom de syndrome du Lemming, une épidémie de suicides. C’est aux marges de cette apocalypse que deux musiciens, ex stars noise, Mizui et Asuahra mènent leur vie, investissant les lieux fantomes d’un bord de mer abandonné pour y chercher et créer leur matière musicale. Parallèlement, un vieil homme, le “président”, dont l’on devine la faillite personnelle à hauteur de sa réussite sociale, recherche, à l’aide d’un détective à poigne, une solution pour guérir sa petite fille, contaminée. Ils apprennent que les spectateurs des concerts de Mizui et Asuahara ont résisté au virus, il décident alors de les trouver afin de leur demander de jouer pour la jeune femme. (vague explication donnée plus tard : leur musique “nourrirait” le virus et l’endormirait ainsi… la musique expé comme nourriture apaisante du désespoir, voilà qui est bien mignon)

Autant le dire tout de suite, j’adore ce film à moitié raté, peut-être parce que je me reconnais tout à fait dans ses faillites : une constante hésitation à sauter sur la raison cinématographique pour tenter des intuitions pas toujours heureuses, ce qui dans les mauvaises pioches donne une narration un peu inégale, quelques lourdeurs de script (par exemple l’expiation de Mizui par la mise en parallèle de sa copine morte et de la jeune fille qu’il va sauver), ou encore des effets visuels dignes du Pink Floyd à Pompéï (mais tous les effets ne sont pas ratés, loin de là !). Neanmoins, c’est aussi la voie pour la justesse magnifique de la majeure partie du film, je ne veux pas parler de grâce ici, mais de justesse simultanée de l’image, du son, des personnages, les longues séances de création des deux musiciens en font heureusement partie. Voilà pour moi toute la justification de la matière cinéma, créer ce réel qui n’a d’autre qualification que sa propre (in)existence et l’inscrire dans une certaine durée.
Il reste aussi quelques scènes presqu’impardonnables d’esthétisation inutile, mais c’est peut-être un bout de japonitude que je ne capte pas, quoiqu’à ce compte, Eureka (même réalistateur, 2000) adoptait, lui, une balance d’une neutralité plus aride, ce qui en faisait une authentique réussite.
Musicalement, je ne sais pas qui créditer, mon dvd (♥) est un import et le générique n’est pas sous-titré. J’ai lu quelque part qu’Aoyama avait auparavant collaboré avec Jim O’Rourke, ce qui est une influence tout à fait cohérente.

Ai-je mentionné le fait que Tadanobu Asano (Mizui), est l’homme le plus beau de la galaxie et l’acteur le plus cool de l’univers ? De l’incroyable Hakuchi (1999, Makoto Tezuka) au parfaitement charmant Taste of Tea en passant par le jouissif Zatoïchi (celui de Kitano), il a joué dans quelques uns des films japonais importants pour moi cette dernière dizaine d’années.

Japan is in our hearts.

une photo presque pas floue

March 19th, 2011

une photo de concert presque nette pour une fois, c’était là : Bienvenue Printemps ! au théatre de Poche à Hédé
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Grand plaisir de revoir Elwood&Guthrie (l’année dernière c’était ). Émotion d’assister à quelque chose de très beau. Leur jeu, à chacun, me touche par cet équilibre précieux entre l’aérien et l’intense.
(Et puis ça faisait longtemps que je n’avais pas assisté à un concert où je connaissais déjà par coeur la majorité des chansons !)

une histoire de tribus

March 15th, 2011

Je ne sais pas depuis combien de générations on torture des étudiants qui n’ont grosso modo qu’un besoin très appliqué avec la définition des probabilités sur univers et tribus. Pour ma part, j’avais toujours considéré cette matière assez mesquine, me plaignant qu’il s’agissait surtout d’interprétation subjective d’énoncés en langage naturel, jusqu’à ce que j’en enseigne un cours introductif à la suite d’un cours d’intégration (de Lebesgue), cela prenait enfin tout son sens (entre autre permettre toutes les nuances de gris entre le 0 et le 1) et justifiait notamment cette histoire de tribus.
En résumé cela donne quelque chose comme ça : pour permettre l’intégration d’une fonction au sens de Lebesgue, il suffit que *les conditions de régularité* qui permettent l’intégration au sens classique soient vérifiées en dehors d’ensembles qui seraient négligeables pour l’intégrale (toutes les théories d’intégration définissent l’intégrale comme limite de sommes finies d’aires, l’idée géniale de Lebesgue étant de discrétiser au niveau de l’ensemble des valeurs prises par la fonction à intégrer puisque ce sont les valeurs singulières qui peuvent éventuellement poser problème, et non le domaine d’intégration, cela date du tournant XIXième-XXième). Il faut alors trouver un moyen de mesurer le domaine d’intégration pour définir ce qui est négligeable de ce qui ne l’est pas, si les valeurs problématiques de la fonctions sont prises sur un ensemble négligeable ou pas. On en vient alors, pour travailler dans le cadre des réels, à généraliser la notion d’intervalle. C’est ce que l’on va faire en définissant l’ensemble des Boréliens : la tribu borélienne (d’Emile Borel 1898).
Les boréliens, ce sont tous les ensembles que l’on peut construire à partir des intervalles ouverts à l’aide d’opérations élémentaires : passage au complémentaire, union (et donc intersection par passage au complémentaire) de famille dénombrable. Ainsi à chaque borélien on peut associer sa mesure c’est à dire un nombre positif qui peut être nul ou infini et qui a la propriété de σ-additivité : pour toute famille dénombrable la mesure de l’union des éléments de cette famille est la somme des mesures. (la mesure de Lebesgue est tout simplement la taille de l’intervalle, la mesure d’un ensemble de point isolés est nulle, c’est par essence ce genre d’ensembles qui seront appelés négligéables)
Une tribu en général, c’est une classe définie sur un ensemble (en proba on parlera de l’univers) qui vérifie simplement les trois propriétés suivantes : elle n’est pas vide (elle contient l’ensemble vide ainsi que l’univers par la seconde propriété), elle est stable par passage au complémentaire, elle est stable par union dénombrable.

Donc pour ce qui est des probas dans le cadre le plus général. On se place dans un espace des états : univers des possibles, c’est l’ensemble de tous les résultats possibles de l’expérience aléatoire que l’on considère. Un évènement c’est une partie de l’univers, le résultat d’une expérience aléatoire. On définit alors la probabilité comme étant une application de la tribu des évènements définis sur l’univers à valeurs dans l’intervalle [0,1] telle que la probabilité de l’univers entier (c’est à dire la certitude) vaut 1 et pour deux évènements incompatibles (d’intersection nulle), la probabilité de l’union (l’un ou l’autre), est la somme de leurs probabilités respectives. Ainsi, la probabilité d’un évènement, c’est un nombre entre 0 et 1 qui indique le degré de vraisemblance a priori de cet évènement, on peut l’imaginer comme la limite de la fréquence de réalisation de cet évènement si on pouvait reproduire indéfiniment l’expérience.

Pour les étudiants que les considérations algébriques ne concernent pas vraiment, je pense que l’on peut simplement commencer par le cas discret fini en explicitant l’ensemble des parties de l’univers et mentionner le concept de tribu comme généralisation au cas non dénombrable. On voit en suivant cette démarche que le concept de tribu est le cadre absolument adapté à ce cas, puisque cela correspond exactement au passage des sommes à l’intégration.