Archive for July, 2009

la fiction est l’opium du peuple

Wednesday, July 15th, 2009

J’essaye de réfléchir sur mon malaise à propos de la fiction et des voix. Pourquoi ce sentiment d’indécence. Une première réponse est évidente, il m’a été tellement étonnament difficile de plonger dans la vraie vie des émotions, une fois devenue mère, que les émotions procurées par les fictions diverses me paraissent dénuées de sens, ridiculement dénuées de valeur.. même si je reste la première à m’y laisser prendre bien-sûr, et souvent avec ravissement.
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Ce soir, je découvre via µTime, le cinéaste soviétique Dziga Vertov (lire dans ce billet le manifeste ciné-oeil). Rien vu de lui, mais depuis sa page wikipedia, je reprends cela “Selon Vertov, le cinéma drame est l’opium du peuple. “, j’accorde : la chanson drame, le livre drame, etc..
Fait extraordinaire, je suis récemment allée au cinéma deux fois à une semaine d’intervalle. La première fois pour Departures de Yôjirô Takita, la seconde pour Jaffa de Keren Yedaya. Je suis toujours bon public, mais horriblement snob après la projection. Passer outre cette étiquette que je m’accolle comme une excuse pour qu’on me foute la paix avec mes goûts/dégoûts sans appels, et comprendre pourquoi le premier film m’a fait pleurer alors que je le considère relativement médiocre, et pourquoi le second m’a laissée les yeux secs tandis que je le juge excellent. J’ai d’abord pensé que c’était peut-être une question de rigueur morale si tant est que cela puisse signifier quelque chose en art. Comme une juste position de l’auteur vis-à-vis de son sujet, de ses personnages, une humilité nécéssaire. Et j’ai eu un cas analogue en musique. Pourquoi Seneca, le premier titre de l’album Standards de Tortoise est capable de me mettre dans un état émotionnel intense, comme si je vivais intérieurement le pur coucher de soleil d’un été adolescent, tous les indicateurs poussés au maximum, saturés, et pourquoi avec les mêmes armes instrumentales John Zorn dans The Dreamers me permet lui de passer de l’autre coté du mirroir, d’une manière sèche et tempérée.
Je crois que j’ai là un élément de réponse. Je peux distinguer d’une part les oeuvres qui tiltent les bons neurones, les bonnes connexions, qui font appel en premier lieu à mon vêcu que l’on voudrait universel, est-ce ma sympathie qui est visée ? et d’autre part les oeuvres qui peut-être ciblent les mêmes choses, mais non pas pour activer ma machine émotionnelle, mais pour participer à une construction, qui est, au final, proprement une oeuvre. Je pense que je suis en train de parler d’émotion esthétique, et c’est la première fois que j’en entrevois l’essence. Un peu ce que disait l’homme (pff) dans son commentaire à mon précédent post, retirer l’échafaudage et il reste l’édifice.

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La fiction drame est de l’opium, la fiction expérience constructiviste, du LSD.
Cette histoire d’humilité n’en est pas non plus détachée finalement dans le sens où dans un cas l’artiste met son oeuvre à son service, dans le but par exemple d’émouvoir un public, et dans l’autre c’est bien le contraire, un artiste au service d’une oeuvre, d’une idée. (bien que j’imagine qu’à la base, tout artiste se sente certainement investi d’une oeuvre)
Je ne peux pas dire que l’édifice construit sur l’émotion esthétique est sensé prévaloir sur l’activation de la machine émotionnelle, mais je suis certainement entrée dans une phase où la fiction globalement me semble vaine si elle n’est pas au service de l’esthétique (et merci pour moi, je m’intéresse suffisament aux arts expérimentaux pour avoir une appréhension trèèèèès large de l’esthétique justement). J’ai aussi l’impression de pouvoir extraire désormais, de cette émotion esthétique, une jouissance bien supérieure.
Je me souviens aussi avoir pensé exactement le contraire quand j’avais 15 ans.