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j’ai dansé une sixième fois

Sunday, April 7th, 2013

ai dansé une sixième fois, une sixième Extension Sauvage, sous l’égide de Yaïr Barelli (http://www.yairbarelli.com). ( les deux premières fois : ici, et je sais, il faut aussi que je parle des suivantes, en un mot pour l’instant avec l’espoir de faire mieux plus tard… avec Latifa Laâbissi, la grande libération structurée, avec Sophiatou Kossoko, l’intelligibilité du mouvement, avec Julie Salgues, une pièce d’histoire essentielle).
À mon émerveillement renouvelé, j’ai l’impression d’avoir, à cette occasion, touché à nouveau quelques de morceaux de (self) compréhension / appréhension du monde.
Avant la compréhension, - elle chemine en fait, aidée des vidéos des spectacles de Yaïr (http://vimeo.com/user7429457) - a postériori, il y a, il y a surtout l’immense plaisir … indescriptible : le plaisir insensé que je ne saurais décrire à celle que moi-même j’étais avant d’entamer cette série d’ateliers. Le plaisir d’une pratique du corps qui l’immerge dans des états cognitifs de haute concentration et d’inespérés élans, inqualifiables autrement qu’en faisant appel à l’artistique (même s’il est forcément subjectif, egocentré, et auto-attribué) et à ce concept extra-ordinaire que je découvre : la danse.
(contemporaine)

L’expérience du moment, du soi (est un autre et émoi), de l’air, de la conscience physique ou non, et des mots qui viennent ou pas. Le désir de n’être plus que sincère - dans son corps aussi -, authentiquement constituée de riens et touts, traversé(e) d’instants grotesques, ou d’incarnations aériennes, de pensées subites ou bien depuis longtemps cultivées qui possiblement occupent tout le spectre du beau au haïssable, du primordial au méprisable. Ainsi…
(se sentir) dans son cœur, trouvé (parfois), ni corporel, ni intellectuel, juste à mi-chemin.
La danse, l’expérience du mouvement et de la parole - et chacun peut s’évaporer dans l’autre -, comme, ontologiquement, une intégrité particulière du corps et de l’esprit, revêtue d’une sèche nécessité.

Je regarde les vidéos de Yaïr, c’est exactement tout cela (tout ce que). Et voilà, c’est ça, une incarnation de la résistance à l’alienation.
Je fais ici référence à l’aliénation de l’accélération sociale dont j’ai relaté le début ici (http://am.disjunkt.com/?cat=20), et à la fin du livre dont je n’ai justement pas parlé, (mais justement), y était lancé un élément de réponse : l’expérience sensible du monde. J’y voyais alors tout l’affect que je mets dans l’improvisation musicale en général, et la musique expérimentale en particulier. J’y vois désormais en plus cette chose : danse.

Aujourd’hui, toutes mes pensées sont dirigées vers ces moments infinis.

Alienation et accélération, Hartmut Rosa, - extraits-résumé - seconde partie : L’accélération sociale et les versions contemporaines de la Théorie Critique

Saturday, April 21st, 2012

(théorie critique (wikipedia) : - école de Francfort, ‘60, Adorno, Horckheimer…- examen et critique de la société à partir des connaissances développées par les sciences humaines et sociales)

chap 6 : conditions préalables à une théorie critique
“il n’existe pas de vérité épistémologique anhistorique toutes les formes d’analyse théorique doivent être fermement reliées aux formes changeantes de pratiques sociales”
Intentions directrices de la Théorie Critique : “la souffrance humaine réelle est le point de départ normatif”, fondée sur “les ressentis, convictions et actions (contradictoires) des acteurs sociaux eux-mêmes.”-> “examen critique des pratiques sociales à la lumières des conceptions de la vie bonne que s’en font les acteurs sociaux”
“liberté, autonomie (individuelle ainsi que collective) au sens de l’autodétermination de la forme de vie que nous réalisons, et la lutte pour l’émancipation des obstacles politiques , structurels et institutionnels afin de réaliser cette autonomie”
“transcendance intramondaine”
“expliquer les la transformation des régimes de production et de consommation de la modernité”
théorie critique Habermas : “la synthèse de toute société réside dans ses relations de communication”
théorie critique Honneth : “ce sont les relations de reconnaissance sociale”

chap 7 : L’accélération et la critique des conditions de communication
Habermas, Theorie de l’agir communicationnel 1987 “les pathologies sociales émergent à partir de distorsions systématiques des conditions de communication” …” Le pouvoir tout comme le savoir -ou les normes tout comme les vérités affirmées- ne sont justifiés que s’ils sont (ou peuvent être reconstruits en tant que) les résultats d’un discours exempt de relations de pouvoir distordantes… un discours dont tous les arguments peuvent être formulés et sont discutés uniquement sur la base et la logique de la ‘force du meilleur argument’.”
la structure temporelle de ces conditions de communication semble donc tout naturellement essentielle.

chap 8 : l’accélération et la critique des conditions de reconnaissance sociale
Honneth, La lutte pour la reconnaissance, 2000 “Nous devons être rapides et flexibles pour gagner, alors que simultanément, notre lutte pour la reconnaissance fait sans cesse tourner la roue de l’accélération.”. Dans le tempo intragénérationnel de la modernité tardive, la reconnaissance est fruit d’une “lutte dynamique” distribuée en fonction de la performance avec en conséquences burn-out et dépressions pathologiques. Il y a eu passage d’une “compétition positionnelle” à une “compétition performative” qui devient justement une “force motrice constante de l’accélération sociale”.

chap 9 : l’accélération comme nouvelle forme de totalitarisme
force totalitaire dans le sens où ” a) il exerce une pression sur les actions et les volontés des sujets, b) on ne peut pas lui échapper, affecte tous les sujets, c) omniprésent à tous les aspects de la vie sociale, d) quasi impossible à critique ou à combattre”.

Alienation et accélération, Hartmut Rosa, - extraits-résumé - première partie : une théorie de l’accélération sociale

Thursday, April 19th, 2012

97827071713821.jpgAliénation et accélération, ed. La découverte 2012, coll. Théorie Critique.
Un livre de sociologie, voilà qui est inhabituel pour moi. Je suis tombée dessus par le traducteur, Thomas Chaumont qui avait fait un travail décapant sur Tout et Plus Encore de David Foster Wallace. Je craignais un peu l’ennui et le jargonnage, au contraire, ça s’est avéré une lecture très didactique, passionnante, limpide et éclairante, une grille d’interprétation totalement en accord avec ce que j’observe et vis.

Quelques extraits/résumés ici, (balancés comme ça, j’admets que ce soit un peu indigeste, le livre les enrobe dans 150 pages réellement pleines d’intérêt) :

introduction : la perspective temporelle permet mieux d’appréhender les aspects de la vie : les structures temporelles “relient les niveaux microscopiques et macroscopiques de la société, c’est à dire que nos actions et nos orientations sont coordonnées et rendues compatibles avec les « impératifs systémiques » des sociétés capitalistes modernes à travers des normes, des contraintes et des régulations temporelles.”

première partie : une théorie de l’accélération sociale
chap 1 : qu’est-ce que l’accélération sociale ?
accélération technique :
“la priorité naturelle ( anthropologique) de l’espace sur le temps, […] semble s’être inversée. […] Le temps est de plus en plus conçu comme un élément de compression ou même d’annihilation de l’espace.”
accélération du changement social : “L’espace de l’expérience et l’horizon d’attente coïncident […] L’accélération sociale est définie par une augmentation de la vitesse de déclin de la fiabilité des expériences et des attentes et par la compression des durées définies comme « le présent ».[…] Le changement -dans la famille et le travail- s’est accélèré pour passer d’un rythme intergénérationnel au début de l’ère moderne, à un rythme générationnel dans la modernité classique puis à un rythme intragénérationnel dans la modernité tardive.”
accélération du rythme de vie : “augmentation du nombre d’épisodes d’actions ou d’expériences par unité de temps, conséquence du désir ou du besoin ressenti de faire plus de choses en moins de temps.”

chap 2 : les forces motrices de l’accélération sociale.
le moteur social : la compétition : “la position qu’un individu occupe dans la société moderne n’est pas prédéterminée par la naissance, et elle n’est pas non plus stable pendant le cours d’une vie (adulte) mais bien plutôt en cours d’une négociation concurrentielle permanente.”
le moteur culturel : la promesse de l’éternité : “dans la société moderne séculaire, l’accélération sert d’équivalent fonctionnel à la promesse (religieuse) de vie éternelle. […] séculaire au sens où l’accent est mis sur la vie avant la mort […] une vie bonne est une vie accomplie, une vie riche d’expériences et de capacités développées […] le temps perçu du monde (Weltzeit) et le temps d’une vie individuelle (Lebenzeit) divergent spectculairement […] ”
le cycle de l’accélération : est devenu un système fermé et autopropulsé -> accélération technique -> accélération du changement social -> accélération du rythme de vie -> accélération technique etc.

chap 3 : qu’est-ce que la décélération sociale ?
les limites de vitesse naturelles et anthropologiques / les oasis de décélération (industrie délibérée) / la décélération comme conséquence dysfonctionnelle de l’accélération sociale (dépressions psychopathologiques) / la décélération intentionnelle : la décélération fonctionnelle (accélératoire) - la décélération idéologique (oppositionnelle) / le revers de l’accélération sociale : l’inertie structurelle et culturelle “les principes emboîtés de compétition, de croissance et d’accélération semblent former un « triangle structurel » si solidement établi que tout espoir de changement culturel ou politique parait complètement vain.”

chap 4 : Pourquoi il y a accélération plutôt que décélération ?
“transition de l’expérience culturelle dominante du changement (progrès) dirigé à la perception d’un mouvement épisodique frénétique est un critère de définition central de la transition de la « modernité classique » à la « modernité tardive ».

chap 5 : Pourquoi est-ce important ? L’accélération et la transformation de notre « être au monde »
“force normative des silencieuse des normes temporelles” (voir figure là… )… “le régime d’accélération de la modernité transforme […] notre relation au monde social […] au monde objectif […] au monde subjectif.”
Dans un monde “où l’impression de changements aléatoires, épisodiques ou même frénétiques remplace la notion de progrès” l’individu perd “toute certitude sur la direction de l’histoire”.