Alors il y aurait un écran tiré sur tout un mur, et on projetterait dessus des choses, peu importe. Ce serait l’unique source lumineuse dans une pièce plutôt grande, dont les autres murs seraient couverts de noir. On poserait, de manière à ce qu’ils soient assez visibles, divers “dispositifs interactifs”, à moduler en fonction du public attendu : de la simple caméra dirigée vers la salle à tout ce qui est capable d’évoquer un capteur quelconque.
Et surtout on ne filmerait pas les gens en train de sautiller dans tous les sens, armés des dispositifs en question, à guetter la réaction sur l’écran.
Pour le vernissage, on pourrait lancer une rumeur mystérieuse comme quoi on pourrait voir la performance d’un mec qui sue du vert. Et après le champ’ et les petits fours, on commencerait à faire monter la sauce, on demanderait qu’on éteigne les portables “pour ne pas le déranger afin qu’il puisse mieux nous déranger” (oui on oserait vraiment dire un truc pareil). Et les gens seraient installés là autour de l’aquarium, un musicien tendance expé soft rendrait ça moins chiant, plus angoissant, on peut penser à poser un renard empaillé à ses cotés. Le type à poil dans son aquarium sur son fauteuil epoxy-pas-de-triche finirait par avoir vraiment chaud. Et le public aussi. Et rien ne se passerait. Rien.
Et on ne filmerait surtout pas les gens en train de se demander si vraiment on a cru qu’ils seraient assez voyeuristes pour observer un mec presque à poil dans une cage de verre et attendre qu’il se mette à suer du vert, et assez cons pour se dire que c’était de l’art.
Je sais, je suis super pisse-froid, surtout qu’il a vraiment sué du bleu et que certaines choses n’étaient pas si mal. En fait je sais même que si je prenais l’envie et le temps de vraiment m’interesser aux notes d’intention, je trouverais les 2/3 de tout cela tout à fait admirable (à commencer par la performance citée).
Désanchantée.
Je ne sais pas, peut-être d’avoir vu, il y a quelques semaines, dans une école d’art deux Elizas discuter ensemble accrochées au mur. J’adorais Eliza -il y a 20 ans- (mais toutes nos conversations me menaient à la même impasse, quand elle en venait à cette agonisante question : Since when do you believe you are a woman?) D’ailleurs, un écrivain aussi avant-gardiste que David Lodge l’avait utilisée dans Small Worlds (1984).
Ou peut-être de m’être fait doctement expliquer comment le Glitch, oh my god si novateur et bousculant, pouvait me faire du papier peint. En rentrant j’avais eu envie de réécouter Oval. Mais je me suis dit que ça me déprimerait encore plus.
Réflection faite, on peut même se passer de l’écran.