Archive for September, 2011

des tentes, une expérience de la démocratie

Tuesday, September 20th, 2011

telaviv-010.jpg Une chose qui m’avait toujours beaucoup surprise en Israël, c’était l’étendue de la capacité d’expression personnelle des gens. Afficher son opinion en banderole sur son balcon (sur l’image à coté, c’était en 2000, à propos du Golan, au moment du retrait final du Sud Liban), en sticker plus ou moins gros sur sa voiture, voire, et je trouvais ça aussi comique qu’étonnant, seul avec un panneau au niveau d’un feu rouge. Parallèllement à cela, j’ai souvent assisté à des discussions animées mais respectueuses entre personnes d’avis totalement opposés, très étonnant.
Et là, depuis quelques mois, c’est comme si le pays découvrait l’expression de masse. L’historique du mouvement pour “plus de justice sociale” tel qu’il m’a été décrit est le suivant. Tout d’abord les médecins se sont mis en grève pour protester contre la faiblesse des moyens mis à disposition des hopitaux publics et la privatisation conséquente du secteur médical. Puis il y a eu l’affaire du cottage cheese. Ça prête à sourire, c’est l’histoire du prix du cottage cheese (si on me demande mon avis, je ne trouve quand même pas ça mortel comme fromage) qui s’envolait. Sur Facebook, ordre fut donné de ne plus en acheter jusqu’à ce que le prix ait baissé.. ce qui fut fait. Il faut dire que la majeure partie de la production de produits laitiers du pays, c’est Tnuva qui s’en occuppe, une énorme coopérative dont la situation de monopole permet plus ou moins à l’état de contrôler les prix (jusqu’à évoquer la solution d’acheter du lait chinois…). Joies des réseaux sociaux, le petit déjeuner retrouvait son cottage cheese. Et enfin, le coup des tentes. Un beau jour, une étudiante qui en avait assez de voir le loyer de son appartement arbitrairement augmenter, a décidé d’aller planter sa tente au milieu du boulevard Rotchild, une grosse artère centrale avec un grand terre-plein en son milieu. Joie des réseaux sociaux à nouveau, des dizaines d’autres tentes vinrent lui tenir compagnie, jusqu’à envahir toute l’avenue, et disséminer l’initiative ailleurs dans le pays (nous en avons vues dans toutes les villes que nous avons traversées, y compris les plus petites). C’est donc le mouvement pour plus de “justice sociale”.

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Yes We Camp!

Manifestations géantes à Tel Aviv : 300 000 personnes alors que la protestation gauchiste de base n’en rameutait jamais plus de quelques milliers. Des manifestations qui rassemblent toutes les couches de la population, y compris des arabes israéliens, à l’exclusion des colons et des religieux.
Il s’agit de retrouver un semblant de contrôle sur sa vie quotidienne. Non ce n’est pas encore la paix, mais c’est une brèche d’expression collective qui engouffre tout, une véritable expérience de démocratie qui permet à tous de s’exprimer de front, depuis leurs revendications spécifiques, au sein d’un mouvement global. Tous, sauf les colons et les religieux. Justement. Voilà, j’aime y espérer le début d’un mouvement populaire général vers la paix justement.
Et 30 000 personnes à Jérusalem ! Qui eût cru qu’il y avait 30 000 non religieux à Jerusalem ? C’est la réaction ravie que j’ai le plus entendue.

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We may be poor but we have the music.

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A country of all its citizens

L’atmosphère au milieu des tentes est très tel-avivi, c’est à dire, très cool, (”on prie à Jérusalem, on travaille à Haïfa et on s’amuse à Tel Aviv”), un genre de Goa in situ. Pas grand’monde le jour, il faut bien travailler ! (et le taux de chomage est ridiculement bas), de toutes façons il fait trop chaud. À la nuit tombée, tout s’anime, et pas seulement des potes rassemblés pour fumer un joint après le boulot, mais beaucoup de sérieux, de débats organisés, retransmis sur écrans, enregistrés, ou simplement autour d’une table, encadrés. Oui c’est surtout ça, j’ai été très impressionnée du sérieux finalement, rien à voir avec une blague potache qui aurait pris une ampleur démesurée, chaque groupe revendique clairement son identité, sans violence et de manière réfléchie, constructive, depuis les militants vegans à Peace Now, cote à cote.
Sababylon comme je l’ai vu écrit sur une banderole, contraction de סבבה = sababa = trop cool et Babylon.

Bien-sûr vu de France, le conflit israelo palestinien occulte tout, mais il s’agit avant tout d’hommes et de femmes, de familles au travers d’une histoire hyper-complexe, qui n’ont d’autre ambition que de vivre leur vie, en paix avec leurs voisins.

À quelques jours du 23 septembre, je ne peux qu’espérer.

“un feu d’artifice en pause”

Sunday, September 4th, 2011

nuit sans lune dans le Makhtesh Ramon C’est donc le désormais célèbre mot du Wisigoth, devant le ciel nocturne, depuis le coeur du Makhtesh Ramon dans le désert du Negev. Voilà, ça ressemblait à peu près à ça, là sur la gauche. Cliquez sur l’image pour avoir les explications, la version full-size ainsi que d’autres panoramiques (de jour) époustouflants réalisés par jd.

mon Tel-Aviv

Sunday, September 4th, 2011

Possessif présompteux, ainsi le désir de s’approprier la ville qui m’a tant manqué… J’ai relativement peu de photos de Tel Aviv-même pendant la période où nous y avons habité, peut-être par volonté d’assoir le quotidien dans une normalité qui ne provoque que des prises de vues inhabituelles - ne pas amalgamer expatriation et tourisme -, peut-être aussi parce qu’à l’époque nous ne mitraillions pas encore en numérique.
Donc premier retour après dix ans, à un mois près. Dans le taxi de nuit qui nous conduit de l’aéroport à l’appartement prêté, l’impression la plus prégnante est celle de rentrer à la maison, alors même que nous avions décidé des années plus tôt, rationnellement, que ça ne pourrait jamais vraiment devenir acquis et qu’il était temps d’en partir. (à présent, d’une vie confortable installée dans un pays où nous avons toute légitimité à résider et résister, j’en viens à repenser la permanence, bien-sûr…)

Ma ville donc à nouveau pour quelques jours, la montrer à mes enfants, ville pas forcément facile à aimer, trop chaud, trop de bruit, trop de monde…. revenir au mois d’août que je voulais justment éviter ( voir August du grand Avi Mograbi), et puis, concurrence de hasards et d’envies, dix ans plus tard, dix ans plus vieux, devenus parents, nous y voilà. Chaleur ultra humide, bruit infernal des bus et des klaxons à tout va, ronron des boites d’air conditionné posées en verrues sur les façades des immeubles, de même les bidons des chauffes-eau solaires sur les toits, la ville la plus bauhaus du monde dit-on… plus décrépie qu’elle n’était mais en chemin vers la rénovation, encore timide, quelques tours nouvelles aussi, ville plus décrépie et plus en construction… de la vie, du mouvement, du désordre, du balagan partout (le désordre efficient des villes asiatiques), et aussi la plage, plage urbaine bondée. J’aime le fait d’être si peu habillés et de toutes façons terminer quasi nus sur la plage, finalement ça nivelle les corps, pas de prétention puisque rien n’est caché ou presque, c’est libératoire ! La modestie par la nudité, plutôt habiter son corps avec quelque chose comme une conscience non faussée de celui-ci, tandis qu’ils sont si nombreux à être ridiculement beaux.
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s90_img_3540_222.JPG Alors j’ai voulu la prendre en photo la ville, je voulais toutes ses coutures, de jour, de nuit puisqu’elle tombe tôt et soudainement et qu’en famille nous y avons effectué des “safaris nocturnes de chats”, mais ce n’est pas facile, trop de choses sur chaque vue, alors au hasard, des clichés d’une promenade d’insomnie matinale, une ville anormalement vide :
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L’herbe est moins verte, mais voilà l’air y est plus vivant (et qu’on ne se méprenne pas, ce n’est certainement pas à cause de la situation politique du pays, mais, avec certitude, en dépit de celle-ci). Et ça… je n’ai pas encore trouvé comment m’en remettre.

Ha, une dernière chose. Je me souviens, les premières fois où j’étais allée en Israël, j’avais été choquée de voir autant d’armes, les jeunes en service ont garde de leur mitraillette, et ne doivent pas s’en départir, y compris en week-end, habillés en civil. Cela m’a paru beaucoup moins lourd, aussi parce que je sais que l’armée, forcément totalement intégrée à la vie quotidienne est par bien des aspects beaucoup moins haïssable que prévu, et parce que ce qui me choque et me mine, à présent, petite campagnarde, et ce qui choque mes amies israëliennes de passage, c’est la présence policière, en grappes sombres et désormais systématiques, dans les villes françaises.