D’avoir cité Jarring Effects l’autre jour, je traine ma gratitude inextinguible envers le PezNer. Epoque bénie à Lyon/Villeurbanne, de la fin des années 90.
Comme décrit dans cet article: “Du rock et du hardcore. Du jazz radical et des musiques improvisées. Du trash metal et de l’acousmatique. De l’industriel et du robotique. De l’acoustique et de l’ethnique. Bref, de l’humain et de la technologie dans tous ses états.”
Pour nous ça a aussi été une époque inouie, je ne sais pas si c’était vraiment l’époque, où juste le bon moment dans nos vies.. des vieilles amoures darko indus qui se fanaient, aux diverses musiques expérimentales qui parfois tournaient en rond, ou plus traditionnelles que je refusais comme solution ultime, tout le monde a fini par être contaminé d’un virus electronique, joyeux, ravageur, libérateur.
C’était l’époque où tous ceux qui avaient passé leur adolescence à faire la gueule sur le coté de la piste de dance, puis quelques années à conchier la pauvreté musicale de la techno, se sont soudain retrouvés, par magie chimique ou à force de perséverance, retournés vendus acquis, à la tyrannie du beat pour reprendre le mauvais titre d’un mauvais disque.
Une petite révolution qui s’est terminée quand n’importe quel jingle de pub a fini par s’orgasmer à la jungle.
L’époque du PezNer, c’était justement toute cette transition, 96-99 grosso modo.
Je me souviens de:
- Main et cie, Hint, etc.. je ne sais plus quelle déclinaison j’avais vue en première partie de Caspar Brötzman Massaker, Bästard peut-être, et j’avais fui la seconde partie, tellement j’avais été habitée de la performance des premiers. C’était hors les murs, la salle n’était pas encore ouverte!
- Goz Of Kermeur pour l’inauguration, ça posait là sa salle de concert
- Elliot Sharp, nickel, impressionnant
- Assif Tsahar en free saxo, doux et violent comme son pays d’origine, et Susie Ibarra, percussionniste enchanteresse, un couple musical qui fonctionnait à fond
- on a découvert Repeat, et ça c’était merveilleux, c’est un des meilleurs concerts-pour-au-moins-10-personnes que j’ai vu (en fait on les a vus deux fois, la seconde, Toshimaru Nakamura avait jeté ses boites annexes et trouvé son instrument de prédilection: le no input mixing board, et ce soir là, avec Jason Kahn aux percussions, ils ont réussi à emplir la salle de lignes, de figures d’intensités incroyablement belles, sur un maillage rythmique parfois mouvant, parfois stable, jamais hostile, la matière éléctrique/organique qui filait dessus et au travers)
- on a évité d’avoir mal aux oreilles avec Tetsuo Furudate, en mettant des boules quies - (homme rajoute, c’est le plus gros flapping pants qu’on ait eu, flapping pants comme quand on se met devant les enceintes et que ça fait flap flap)
- j’ai fait une de mes plus belles lomos sur CCCC, la dame faisait du butho, elle avait des mini capteurs sur elle et des micros dans des bouteilles, sa copine noisait à coté, grave:
- pour Acid Mother Temple, on a bien rigolé au début, et puis on est partis avant la fin tout de même
- Iva Bittova nous a ravis
- avec Labradford et Pan American, c’était le début d’une longue histoire, je les retrouve au casque, quand j’ai envie de cet apaisement spécial, un peu triste
- Edward K Spell et ses Legendary Pink Dots nous ont cloués, y a pas à dire, les vieux ont du métier
- The Roof, Tom Cora était encore là, beau, charismatique et virtuose, puis moins en forme
- j’ai tout de même eu un peu honte d’avoir tant d’années adulé And Also The Trees, même si en concert, l’étincelle est toujours là
- je me souviens qu’on a grincé des dents en voyant les mecs de Laddio Bolocko arriver sur scène avec leurs grosses guitares, et qu’ils nous ont plus que conquis dès le troisième accord
- Black Lung est devenu un classique chez nous, au moins il n’avait pas de complexe à aller s’enfiler une bière au bar pendant que ses machines battaient la musique toutes seules
- j’ai vomi un paquet de BN à la fraise devant une performance de Ron Athey (not kids friendly)
- je me suis pris du caca dans la tête avec Jean-Louis Costes
- il y a un groupe de rock genre no-wave radikal progressif avec des têtes de marins polonais de mauvais poil dont je n’arrive pas à retrouver le nom qui m’avait bien plu
- Von Magnet nous avait fait des claquettes lumineuses et un dj-set très réussi, et une autre fois (?) avec servovalve (+++)
- on s’est sentis tout petits devant Lydia Lunch
- on a vu Cornelius reprendre un morceau 3 fois parce qu’il n’était pas synchrone au dixième de seconde avec la vidéo
- on est restés un peu circonspect et quand même enthousiastes devant Pinhas/Dantec
- pour Sensorband on a dû aller chercher d’urgence à la fac un fer à souder la première fois, un ordi la seconde
- Illusion of Safety, nous avait plongés dans le noir et dans le bruit, il en était ressorti quelque chose de très fin
- on a raté Tortoise, parce que ça va pas la tête on va quand même pas acheter notre billet à l’avance! et y avait plus de place
- je suis sûre d’avoir vu Faust, que pourtant j’aime beaucoup, mais je ne m’en souviens pas.
Il faut aussi que je dise qu’on y avait organisé une linux party! Ce qui en bonne apprentie deleuzienne, me donnait la grande satisfaction d’avoir déterritorrialisé l’informatique (libre).
Je ne sais plus ce que l’on a vu en dernier. Nous avons quitté la ville en mai 99, la salle a fermé en 2000 ou 2001, défaut de subventions, mort de la dynamique initiale, fatigue globale peut-être.
Conclusion larmoyante, le PezNer, c’était une salle associative, avec des vrais gens dedans pour la faire fonctionner, et je m’en souviendrai longtemps. David Momo pour commencer, qui s’occuppe donc maintenant de Jarring Effects, et savait entre autre mille choses indispensables, pacifier les gros rebels avinés, Christophe, le directeur, toujours pertinent, l’inénarrable Marie-Claire Cordat (not children friendly) directrice artistique, qui parvenait systématiquement à enculer le bourgeois en chacun, Charlotte la photographe féline, l’ingénieur du son qui exerçait avec une excellence rare, Jean-Phi et les tous les autres, bénévoles ou quat’sous payés. Merci à eux.
EDIT 06/03/2009 une page facebook sur le pezner a été créee récemment. (entre le passage obligé par le myspace de murdoch pour quiconque touche à la musique de près ou de loin, et l’adoption massive de facebook quelque soit le contexte initial, ce genre d’ironie ne fait plus sciller).. Bref, chers virtuels amis, sentez vous libres d’ajouter votre souvenir ici. D’ailleurs à lire les commentaires là-bas, je me suis souvenue du concert d’Atari Teenage Riot.. mais comment avais-je pu l’oublier!