Archive for March, 2010

de Hébron, je me souviens de deux choses

Monday, March 29th, 2010

Un beau jour de 1999 ou 2000, nous avons décidé de faire un tour à Hébron. Pour le fun. Pour le tombeau des patriarches, pour voir comment c’est par là-bas et dire j’y étais.
L’ami M. a encore une plaque d’immatriculation consulaire, ce qui nous ouvre les barrages militaires et les sourires sur place. Arrivés aux abords de la vieille ville, la voiture est vite entourée, propositions de guide, etc. On nous fait signe de nous garer. Nous hésitons. Un homme insiste particulièrement, comme si nous étions en train de décliner une affaire rare : ” Come on, you can bark here, you can bark here ! ”
Dans ma tête, incrédule, immédiatement je ne vois qu’une chose trop grande pour être balayée au prétexte d’inanité : la politesse exotique de l’hôte qui, en signe de bienvenue, cherche à pourvoir aux besoins immédiats de l’invité. Oindre les pieds du voyageur il y a quelques siècles, indiquer la place publique où aboyer sa colère en l’an 2000.
J’ignorais que le son “p” n’existait pas en arabe palestinien. Falestine, je m’imaginais essayer de crier ma petite colère occidentale du mieux que j’aurais pu, par politesse surréaliste.

La seconde chose ? ha oui, dans le shouk, une tête de chameau qui pend à un crochet, son long cou prêt vraisemblablement à être débité en tranches.

http://www.mediapart.fr/club/blog/jamesinparis/230310/amours-occupees
http://www.mediapart.fr/club/blog/naruna-kaplan-de-macedo/260310/minutes-hebron

großbaß

Friday, March 26th, 2010

Herr Doktor Hans-D tourna le potentiomètre vers les 41 Herz. L’atténuateur n’y fit rien et Ursula hurla de plaisir.
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(en réponse à ça)

your life is like a Tony Conrad concert

Monday, March 22nd, 2010

(attention, je vais oser t’apostropher, hypothétique lecteur, mais comme je méprise du fond de mes entrailles les sites qui me supposent oiselle pré-adolescente et me tutoient, je vais pratiquer par la suite une distance polie et de bon aloi, surtout pour le cas, admettons-le, malgré tout relativement improbable où tu serais vraiment en train de lire ce post et où je ne te connaitrais pas, même de loin)

Bon, dans le cas plus que problable où je vous connais un peu et que vous avez l’insigne honneur d’être un cher et tendre mien ami sur fesses-de-bouc comme dit mon ostrogoth, vous ne serez certainement pas passé à coté de cette émouvante nouvelle : j’ai rebranché samedi ma platine vinyl et je m’en félicite. Pauvre parente de ma chaîne haute fidélité (Denon millésime 93, petits bijoux d’enceintes JM lab 93 aussi, 4 mois d’ennui ferme au département Hardware Mainframe chez un constructeur informatique nippo-britton à Reading UK pour m’offrir ça), toujours la dernière à suivre (ou à ne pas suivre d’ailleurs) dans les déménagements et être enfin réinstallée après des mois de tractations pour lui dégager un cube suffisament spacieux.
Et j’ai retrouvé ce disque complètement mythique : Tony Conrad with Faust, Outside the dream syndicate, 1973 Caroline Records. Sauf que je n’ai aucun souvenir de l’avoir acheté ou même écouté. Si j’en crois l’étiquette, je l’ai payé 10F00 (oui prequ’exactement 1,50 euros ami lecteur), en 1996, au Boulinier su’l'Boul’Mich, ce qui me semble totalement concordant avec quelque chose que j’aurais pu faire pour de vrai, surtout qu’à l’époque, je devais justement être dans une période sans (platine vinyl), n’ayant plus guère l’occasion d’arpenter le boul’Mich que lors de salvatrices remontées en TGV — j’avais quelques difficultés à m’acclimater à la vie lyonnaise — et reléguant l’idée d’écouter ce disque au même niveau qu’une tetrafoultitude d’autres trucs primordiaux mais pratiquement inaccessibles (à mon temps libre, à ma volonté, à mon porte-feuille, à ma capacité de concentration etc.).
Donc je l’ai acheté et je l’ai oublié. Et hormis le fait qu’il est décidement vraiment très bon, qu’il participe à une coïncidence toute fraîche (Tony Conrad a réalisé la bande sonore de Flaming Creatures de Jack Smith, que j’ai eu la chance de voir projeté sur grand écran ce week-end au musée de la danse/le garage, si le coeur vous en dit, il est aussi possible de visionner Flaming Creatures sur Ubu web, “The film features an array of transvestites, hermaphrodites, drag shows, a sexually ambiguous vampire, a drug orgy and a well-built cunnilingual rapist. Sexual ambiguity is a prominent visual theme, which is particularly shown by overlapping images of flaccid penises and breasts.” — ça c’était pour les mots-clefs ), ce disque, donc, me permet, à moi aussi, de me faire une sleeveface.
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(le titre de ce post est celui d’une chanson de Rubin Steiner)
(demain promis, j’arrête les docs martens, ça va finir par devenir pathétique)
(explosion de jonquilles, c’est le printemps)

époustouflant

Thursday, March 18th, 2010

J’ai rebasculé hier soir pour un époustouflant concert de The Ames Room : Jean-Luc Guionnet saxophone, Clayton Thomas contrebasse, et Will Guthrie batterie.
MAXIMAL MINIMALIST TERROR JAZZ!

Je ne suis pas prête de m’en remettre.
On peut écouter ce concert sur le site de Larsen Commercial.

deux temps (de la musique expérimentale, du soi)

Monday, March 15th, 2010

Partir de l’hypothèse qu’il n’y a pas plus d’intérêt à jouer, de la guitare, du violoncelle, du saxophone, du …, que d’avoir à portée de main, un objet nommé guitare, violoncelle ou saxophone ou …, que l’on peut grattouiller, faire couiner, tapoter, grincer, lustrer etc., éventuellement faire sonner de manière attendue. Petits bruits qui égrenent le temps de l’expérimentation.
Partir de l’hypothèse qu’une guitare n’est plus une guitare, mais un organe supplémentaire à intégrer, effacer. Corps sans organes. Musique sans instrument. Un instant et la guitare avec spatule de maçon, caillou et homme est le plus bel instrument du monde, le plus cohérent. La machine s’engrene, avec ou sans accidents, un corps sonore est constitué.
Égrenage, engrenage, comme deux temps qui peuvent se mélanger ou encore se superposer, et étendre les territoires du réel.
(vus hier soir à la Bascule : Neil Davidson -guitare-, Soizic Lebrat -violoncelle- et Nusch Werchowska -synthétiseur-, concerts d’improvisation programmés par Zéro Stock)
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Vue ce matin, une distrayante ted talk “The riddle of experience vs. memory” de Daniel Kahneman prix nobel d’économie, pour je suppose avoir fondé l’économie comportementale, dont j’apprends qu’il s’agit d’étudier, notamment sous les angles psychologique et cognitif, les comportements humains dans les situations économiques. En partant du prétexte d’expliciter la notion de bonheur (je suis prise d’effroi à imaginer que c’est là un objectif à maximiser dans un contexte économique), Kahneman établit deux types de soi (self): celui qui vit l’expérience de l’instant, et celui qui l’a mémorisée ( quitte à effectuer une première distanciation, j’aurais intuitivement penché pour une seconde, en parlant de celui qui a accès au souvenir et qui se situe donc encore dans un présent). Son propos, illustré par des exemples qui me paraissent à la fois extrèmement naïfs et occidentalo-centrés (vulgarisation simplificatrice ?), revient à dire que le souvenir d’une expérience n’a pas de rapport linéaire avec le vêcu “sur le vif” de celle-ci, et qu’en fin de compte c’est ce qui reste en mémoire, le souvenir, qui participe à la satisfaction éprouvée et par suite, aux prises de décision. “experiencing self, memorizing self” le second est toujours prédominant. Pourquoi ? En suivant les termes de Lionel Naccache (voir ici et ), c’est celui qui, dans le système fictions-interprétations-croyances permet l’élaboration de la conscience de soi.
Revendiquer le désir d’engrammer ces deux temps de l’être.