science sans conscience de sa subjectivité …
Toujours sur le livre de Lionel Naccache “Perdons-nous connaissance ?”.
Petit résumé pour faire très vite. Il part du constat que pendant 3000 ans la connaissance a toujours été présentée comme une menace pour l’homme, jusqu’à ce que les Lumières renversent la situation pour aboutir à notre “société de la connaissance” actuelle. Il illustre cela des traditions
. grecque : Icare, interprété par la connaissance en tant que danger pour soi ; Socrate - Platon, la connaissance en tant qu’entrave à la vie sociale ;
. biblique : Adam et Ève, qui s’attache aussi à ses conséquences dans la relation amoureuse ; le pardès, paradis du texte révélé selon ses 4 interprétations : signification littérale (Pechat), sens allusif (Remez), sens d’exposition (Derach), sens secret (Sod) - soit donc PRDS - qu’ont pénétré quatres hommes (Haguiga du Talmud de Babylone) et qui les mena au choix à la mort, la folie, l’hérésie (amère) et le martyre.
. médiévale européene avec le mythe de Faust (Johann Georg Sabellicus, Allemagne 1480) dont il cite notamment l’adaptation par Thomas Mann dans Docteur Faustus, la vie du compositeur allemand Adrian Leverkühn raconté par un ami, inspiré aussi par Schönberg et Nietzsche. (La montagne magique de Thomas Mann est un de mes livres importants).
Il relate ensuite les stratégies utilisées tout au long de ces époques pour tenir la connaissance hors d’accès des hommes.
Dans les seconde et troisième parties, il établit, au travers de son expérience de neurologue, les définitions que j’ai reprises dans le post précédent et que j’ose crânement considérer comme le paradigme unificateurs de quelques intuitions que j’aurais pu avoir.
Il montre alors, face aux “brûlures” infligées par la connaissance et qu’il illustre pour les sphères personnelles, amoureuses, familiales et sociales, que la stratégie d’évitement de la connaissance adoptée par notre société actuelle qui est justement supposée permettre son accès à tous avec entre autre son idéal de transparence, consiste à confondre peu à peu information et connaissance, mettant de coté l’impact de celle-ci sur le sujet, de X->Y->X’, nous passons à X->Y, voire X->Y->Y’, soit une dissolution du sujet, en particulier dans la technique. Il faudrait que je relise cette partie, mais quelque chose me manque dans sa vision de la technique et appréhension de la découverte scientifique, qui est d’ailleurs, en conséquence de l’a-subjectivation impossible, assimilée à création plutot que découverte. (généraliser l’épistémologie alors ?). S’en suit un passage sur ces mathématiciens persuadés d’accéder aux ultimes vérités de l’univers, qu’après avoir trouvé un peu caricatural (de ma propre expérience des mathématiques, j’ai souvenir d’avoir justement toujours eu grande conscience la subjectivité de ma compréhension et de ma pratique, les mauvaises langues diront que c’est d’ailleurs pour cela que je n’en fais plus), j’ai fini par réaliser que c’était exactement l’idée sous-jascente au logicomix et cie, dont je parlais là.
February 26th, 2010 at 1:05 pm
il ya dans Adorno une accusation contre les mathématiques modernes, celle d’avoir globalement perdu l’épaisseur de l’expérience du monde, et avoir considéré une vérité très amoindrie comme le moteur universel des vérités. Et à la fin la plus grave d’avoir organisé “la fongibilité universelle”. L’équivalence de tout avec tout, et de tous avec tous, c’est à dire la négation complète des êtres (dont le petit cobaye de labo est un exemple probant en tant qu’il n’est paslà comme cobaye individu mais comme représentant d’une espèce fonctionnellement utile, il est donc déjà transformé en chose, c’est à dire en abstraction, avant même d’être trucidé). C’est assez radical, et peut etre parfois sans nuances. Globalement je crois que Adorno reproche à la science d’oublier qui (et quoi !) elle domine, quelles intentions elle sert. Et donc d’oublier que la vérité scientifique n’est pas transhistorique etc etc
tiens donc je réalise que je vends ma soupe là hahaha.
tiens une citation (non corrigée encore) du livre qu’on va faire sur Adorno/Horkheimer :
L’autonomisation des sciences et des concepts philosophiques qui les ont pris pour modèle s’est accompli par le transfert de la substance divine dans l’unité, close sur elle-même, du nombre abstrait ; le chiffre comme plus petit dénominateur commun à toute forme d’existant en devient l’essence métaphysique parfaite, absolue et indifférente, de même que le nombre et la formule expriment l’idéal d’une relation neutre et non affectée du sujet à la matière. Cette nouvelle foi moderne en la mathématique perpétue l’idée, chrétienne, de la supériorité abstraite du désincarné sur la matière concrète et chaotique. Mais l’esprit détenteur du pouvoir se croit maintenant libre des impératifs religieux et moraux ; ses finalités sont rationnelles. Pourtant le nombre qui prétend rendre immédiatement compte de la réalité objective des choses et la formule mathématique qui prétend pouvoir exprimer le pur sensible sont déjà idéologie, ou à tout le moins, encore métaphysiques. Elles naissent du dualisme cartésien comme elles le reproduisent. Celui-ci permet à la science qui s’en réclame de croire à son tour au pouvoir de sa langue à dire la réalité unique des choses.
February 26th, 2010 at 2:10 pm
J’adore être ton coeur de cible …
il est prévu pour quand celui-là ?
February 27th, 2010 at 2:42 pm
il arrive…. d’ici deux mois j’espère …