Et John Zorn inventa la musique subtile …
Thursday, June 25th, 2009Il y a quelques musiciens que j’aime inconditionnellement, même si parfois je m’ennuie à les écouter, ou même si d’autres fois, je trouve que franchement ils abusent, version mal à la tête. John Zorn est peut-être le second d’entre eux, le premier étant Fred Frith, et m’ayant mené justement vers lui via Naked City. Je les aime inconditionnellement parce qu’ils représentent une construction complète, radicalement libre. Ils sont une TAZ(*) à eux tout seul, et pour utiliser un vocabulaire DeleuzeGuattari-correct, ils dessinent de vraies lignes de fuite.
Je collectionne donc les JohnZorneries, plutôt en emprunts parce que le budget nécéssaire serait sinon absolument explosif, les médiathèques en étant en général fort bien pourvues, c’est du moins à mes oreilles un gage de qualité et de snobisme minimal requis lorsque je dois déterminer rapidement mon intérêt à y prendre un abonnement.
Or là, je viens d’emprunter “The Dreamers”, qui fait suite à “The Gift”, découvert l’an passé ou le précédent. Et j’ai la même sidération, John Zorn a inventé la musique subtile. Je ne saurais pas le dire mieux qu’avec cet adjectif, éventuellement un peu plat, mais exact.
Au début, j’entends des morceaux qui pourraient n’avoir que peu de relief justement, de l’exotica facile, du surf jazz un peu cheap, de la musique un poil triviale.. au mieux, ses musiciens étant systématiquement parmis les meilleurs instrumentistes, leur jeu, leur synergie est épatante, la production parfaite. Et puis si, en fait, c’est vraiment complexe si on y prète attention. Et le disque avance, à bercer, surprendre, balancer, c’est bon, en vérité, mais arrive un moment où le sourire disparait. Sans en prendre conscience, j’ai franchi le mirroir, et à ce moment-là, se voir nu-, seul-. Essentiellement seul-. Et ça n’est pas déprimant, au contraire, c’est très beau de se trouver sans artifice, sans chaleur parce qu’elle n’est pas nécéssaire. Sans personne puisque tout ceci est vain de toutes façons, et si le reste du temps, je ris parce que c’est la seule issus à la fin, j’apprécie de me saluer, ontologiquement nue et seule, au delà des émotions. Voilà.
Voilà, ces disques sont incroyables, je penche plus vers The Gift que je connais plus intimement, mais j’ai la certitude que ce n’est qu’une question d’ancienneté.
J’ignore si l’effet est reproductible sur quelqu’un d’autre, mon voisin de bureau qui est aussi le père de mes enfants, à tout hasard, ne partage que mollement mon enthousiasme.
. Tzadik, le label, dont le catalogue est la folle collection que je m’offrirai quand je serai millionnaire.
. J’en profite pour laisser ici quelques liens (pas vraiment kids friendly) vers Maruo Suehiro qui a réalisé pas mal de travaux graphiques utilisés chez Tzadik : son web , une gallerie avec des liens sur des ressources anglophones, l’éditeur français des quelques uns de ses mangas
. Heu, je viens de tomber là- dessus.
(*) en furetant du coup sur les liens à propos des TAZ - Temporary Autonomous Zone, je découvre le site de Hakim Bey sur lequel ses textes sont téléchargeables en version intégrale.