fiction et fiction et fiction… (encore des fictions semées au vent) (Terminus Radieux)
Tuesday, March 17th, 2015J’ai longtemps été une lectrice dévoreuse d’histoires. Et puis j’ai eu des enfants. Alors, il s’est passé quelque chose d’étrange : outre le temps et la disponibilité d’esprit qui font cruellement défaut dans ce cas, la fiction a fini par m’apparaitre vaguement obscène, comme une espèce de lâche échappatoire, comme le pauvre succédané d’une réalité qui avait pris un tournant d’une intensité parfois rude mais indéniable.
Pour autant, je n’ai pas arrêté de lire, j’ai, au contraire, beaucoup lu, d’essais, de livres pratiques, de toutes choses qui ne relèvent pas de la fiction, je suis même devenue éditrice (www.editions-instant-present.com).
Je viens de retomber sur un billet de blog un peu confus, écrit il y a plus de 5 ans : “la fiction est l’opium du peuple” http://am.disjunkt.com/?p=112 . J’y distinguais la fiction-drame qui repose sur l’activation de la machine émotionnelle (à laquelle je pourrais tout à fait m’adonner, filez moi un page-turner, je serai la première à m’y engouffrer mais j’en sortirai vaguement nauséeuse), de la fiction-constructiviste basée sur l’édification esthétique, qui semblait alors mieux me convenir.
Je parlais de cinéma, de musique, et je n’avais pas trouvé à l’époque de pendant littéraire je crois.
Je viens d’achever la lecture de Terminus Radieux, et justement Volodine a réussit quelquechose comme réaffirmer ma foi en la fiction littéraire, en sa capacité à augmenter la réalité (et par là, “augmenter” son lecteur en tant que personne).
Et si j’ai l’impression d’avoir passé 600 pages à pleurer de joie et rigoler de pur désespoir (qui sont peut etre les émotions qui constituent ma posture essentielle d’être au monde), c’est bien en savourant la découverte de l’univers total, vertigineux, post-exotique, que l’extase s’installe. L’impression d’avoir trouvé un refuge douillet et illimité, capable d’absorber d’infinis épanchements et d’en créer une étonnante matière toute neuve.
Il faudrait que je creuse pour comprendre pourquoi cet univers me touche tellement et si je fais partie de la dernière génération qui pourra s’en trouver autant émue ? J’avais 17 ans lorsque le mur de Berlin est tombé, je me souviens du mélange de joie et de déception ressenti (l’utopie communiste avait pu m’apparaitre comme le parfait antidote au quotidien bourgeois dans lequel j’avais été transplantée sous prétexte scolaire). Je me souviens aussi de mes angoisses de toute petite fille, dans un monde bi-polaire qui semblait irrémédiablement voué à l’autodestruction atomique, tandis que nous visitions familialement la centrale nucléaire sur notre lieu de villégiature. Gen X, quoi.
* add 1 : plus tôt cette année, j’ai aussi été complètement emportée par la Dalva de Jim Harrison, avec un ravissement similaire qui relève exactement du sentiment de se sentir grandie par une lecture.
* add 2 : question musique, je ne sais plus si j’adhère vraiment à cela (du post de blog cité). J’en viens à me dire que tout ce qui ne relève pas d’une nécéssité vitale n’a pas tant d’importance, et que celle-ci peut très bien s’interpréter selon n’importe quelle voie de cette dichotomie (simpliste comme toutes les dichotomies).
* add 3 : Volodine publie à l’école des loisirs des romans jeunesse sous les pseudonymes de Ellie Kronauer et Manuela Draeger. J’en ai trouvé un aujourd’hui à la bibli et m’empresse de transmettre cela à la génération suivante (qui avait je crois, rêvé au Terminus Radieux en entendant, lors d’un trajet en voiture nocturne, l’émission, que moi je n’ai pas encore écoutée : http://www.franceculture.fr/emission-hors-champs-antoine-volodine-2014-10-31 , jusqu’à m’en parler et me donner envie de le lire !)
#Antoine Volodine #Terminus Radieux