des rythmes et des couleurs (ou pas)

J’ai récemment appris, qu’il était possible que je sois un peu synesthète, la synesthésie étant “un phénomène neurologique par lequel deux ou plusieurs sens sont associés”. En l’occurence pour moi, nombres->couleurs principalement, et sons->couleurs. C’est en ce qui me concerne une sensation relativement faible, mais je n’imagine pas un monde qui n’étincellerait pas ainsi dans ma tête.
Ca m’a fait penser, mais en inversé, à certaines photos que j’aime prendre depuis longtemps. Comme l’amusette sur le billet précedent, qui en plus de paver mon insertion dans le monde merveilleux de l’ajax pas ammoniaqué, a fait partie de ma course avec la fin de l’hiver: avoir le temps de prendre en photo ces arbres nus, avec leurs boules de gui accrochées, comme des notes sur un rythme à décoder.
Il y a 10-12 ans, nous étions de grands marcheurs urbains, à toutes heures du jour et de la nuit. J’étais fascinée de ces densités de population, naked city, de toutes ces vies concentrées dans des cases, et enfin des rythmes visuels qui les organisaient. Une série de photo sur Villeurbanne et Lyon la duchère, prétentieusement titrée densité de population, donc, tirée pour partie des nuits durant au labo de la fac. Ce petit grain délicat.. et pour les autres images de la série, il faudra vraiment que j’acquière ce scan de négatifs, et je pense que 5 minutes manipulations numériques compenseront des nuits d’ajustement de filtres en lumière rouge. Petit pincement au coeur de tout cet investissement, au final, physique, qui je pense ne m’a pas été inutile malgré tout, partie de ma formation. J’écris physique, pas forcément par opposition à numérique, physique dans le sens d’une expérience qui s’inscrit dans le corps, dans la durée. Ressortir du labo photo, ivre de fatigue au petit matin, après s’être concentré toutes ces heures, avec des gestes répétitifs mais qui nécéssitent quand même précision et attention.


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Ca me rappelle des copains qui me racontaient avoir appris la programmation informatique avec des cartes perforées, et le droit à une compilation par jour. Chaque ligne de code etait vraiment pesée et refléchie dans ces conditions. Tout à fait à l’opposé de ces méthodes de sagoins, qui pissent du code, par élimination plus que par déduction… mais j’avoue aussi fonctionner comme cela.
C’est toujours une question intéressante je crois. Quelle différence, entre nous qui vivons ces transitions, le passage à la virtualisation d’expériences physiques, tirer à la main des photos, passer un disque, faire des recherches bibliographiques in situ, etc.. et ceux qui n’en connaissent que les équivalents numériques? J’ai eu la chance d’assister à une présentation par Douglas Adams, quelques mois avant sa mort. C’était dans le cadre un peu délirant d’une grand messe des technologies mobiles à Cannes. Il disait que la génération qui voyait l’apparition d’une technologie avait peur de la déshumanisation, la génération suivante vivait la transition avec plus ou moins de facilité, quand à celle qui ne connaissait que cela, le vivait comme un acquis totalement naturel.
Pour moi se posent en plus les question du corps, et du temps. J’ai le souvenir de pouvoir facilement me laisser emporter (i.e. quand je n’avais pas d’enfants pour m’ancrer dans le présent), mais j’ai maintenant du mal à concentrer mon corps dans ma tête, et réelement je suis bien plus “efficace” depuis que je peux travailler debout. Et que signifie la disparition de la latence qu’induit la durée de construction/réalisation d’une expérience, si elle n’est remplacée que par une succession irréfléchie d’essais et erreurs?
quelqun.jpg(et je le dis comme une blague, cela signifie de nouveaux critères de sélection, en attendant que les machines ne prennent en charge la plupart de nos fonctions de déduction of course). Mais c’est peut-être dans ce sens, en tant que génération transitionnelle, que nous devons éduquer nos enfants par rapports à ces technologies. Faire que le temps gagné, soit vraiment gagné sur la mort, serve à produire de l’être, de la connaissance, étendre/répandre son humain intérieur.

2 Responses to “des rythmes et des couleurs (ou pas)”

  1. Bérangère Says:

    “Faire que le temps gagné, soit vraiment gagné” …suis d’accord mais le temps gagné l’est forcément sur la mort. Non ? Donc c’est redondant…excuse-moi mais j’adore ce mot !

  2. cb Says:

    j’sais pas, bonne question!